Davy Sardou et Jean-Pierre Michaël nous présentent « L’AMI DU PRESIDENT » au Festival Off d’Avignon !
Réunis pour la première fois au Festival Off d'Avignon 2024 dans "L'AMI DU PRESIDENT", pièce de Félicien Marceau, mise en scène par Christophe Lidon, au sein d'une troupe talentueuse, ils nous en disent plus sur cette comédie.
Bonjour. Merci de me recevoir en sortant de scène.
Pour commencer, je voulais savoir quel est votre rapport au festival d’Avignon ? Avez-vous eu souvent l’occasion d’y jouer ?
Jean-Pierre : Davy, oui.
Davy : En effet moi c’est le 4eme festival, la 2eme fois au Théâtre des Gemeaux, et je trouve que c’est un formidable incubateur de spectacle, où il y a un public de passionnés. Je prends de plus en plus de plaisir à venir jouer ici.
JP : Moi je suis souvent venu en spectateur depuis que je fais ce métier mais je n’y avais jamais joué.
C’est la première fois ?
JP : Oui, la toute première fois, même quand j’étais à la Comédie Française et qu’ils jouaient dans le festival In je n’étais pas dans les quelques spectacles qu’ils avaient fait. C’est ma première expérience professionnelle ici.
Quel est votre ressenti ?
JP : Et bien je ne suis pas déçu, c’est exactement ce que j’attendais (rires), la chaleur, la fatigue, le bazar organisé partout mais tout va bien et ça se passe très bien.
Vous jouez dans des conditions particulières ici au Festival, vous êtes très proches du premier rang, vous voyez le public qui est souvent éclairé, c’est différent des conditions de jeu habituelles, est-ce plus difficile ?
JP : Oui nous sommes plus proche du public que sur une scène normale.
D : Il faut s’adapter, parce qu’en plus là c’est une scène de plain-pied et il y a ensuite des gradins. Et c’est vrai que pour les 2 premiers rangs on peut trébucher sur les pieds des spectateurs. Donc c’est une habitude à prendre, et qui n’est pas désagréable notamment pour moi dans ce spectacle puisque je m’adresse souvent à eux, comme vous avez pu le remarquer j’ai un peu d’interaction avec eux, mais qui peut être décontenançant pour d’autres.
JP : Moi j’ai souvent joué au studio de la Comédie Française, qui se trouve dans le Louvre, une petite salle du même ordre où il doit y avoir 300 ou 400 personnes. Ici c’est un spectacle en gradin où le spectateur s’arrête presque sur la scène, et c’est un rapport intéressant. Ça ne se prête pas à tous les spectacles. J’imagine difficilement jouer une tragédie dans ces conditions de proximité, mais sur une comédie, sur des spectacles comme celui-là, ce n’est pas gênant.
Comment votre choix s’est-il porté sur cette pièce?
JP : C’est Christophe Lidon qui nous a réuni pour faire une lecture de cette pièce que je ne connaissais pas du tout mais que j’ai trouvé extrêmement drôle, pertinente en ce moment. Et dans mon cas, le fait de jouer des personnages multiples et différents était un défi intéressant.
D : Je rejoins Jean-Pierre, j’ai lu le texte et il m’a beaucoup plu.
Davy, vous aviez joué une pièce du même auteur « L’homme en question ».
D : Oui effectivement, j’ai joué L’homme en question de Félicien Marceau, qui est je pense de la même époque mais qui n’était pas vraiment une comédie. Là il y a vraiment l’humour de Félicien Marceau, et cette satire sur la politique que j’ai beaucoup aimé
Une pièce écrite en 1980, pourtant on pourrait penser que le texte a été écrit il y a peu. Qu’est ce qui fait pour vous sa modernité et son actualité ?
JP : Figurez-vous qu’il été écrit à cette époque-là, où l’on était exactement dans la même situation qu’aujourd’hui, c’est-à-dire avec une cohabitation. Où les socialistes devaient faire le passage. Et c’est ce qui a permis à Mitterrand de passer en 1981. Donc il était exactement dans cette imbroglio politique, un peu ce « no man’s land », de ne pas savoir où tout cela allait. Il a retranscrit un peu tout ça, tout ce grenouillage politique que l’on revoit finalement aujourd’hui, ou dont on suppute, ou dont on a des échos. Ce qui énerve aussi les Français en ce moment. C’est donc aussi une façon de le revivre et de le voir, elle est finalement totalement d’actualité malgré 40 ans d’écart.
D : Oui la politique finalement ça ne change pas! Du moins les intrigues dans les ministères. Parce qu’on le voit bien là aussi, cela va donner lieu à plein de donnant-donnant et les scènes que l’on partage avec Jean-Pierre d’ailleurs le montrent très bien. «Graissez la patte, je graisse la vôtre», «Vous appelez untel moi j’appelle untel»…
JP : «je suis élu là, si vous m’arrangez ce coup-là, je fais ça pour vous»
En effet, on se doute tous déjà que cela se passe ainsi.
D : Cette pièce le montre très bien et ça montre également la fatuité dans cette situation, parce qu’un personnage qui n’a rien à voir avec le monde politique se retrouve au milieu et les choses se font quand même. Malgré lui.
Vous pensez qu’aujourd’hui un Leon Daim pourrait arriver de nulle part ?
JP : Il y en a eu un au pouvoir, là, et qui est encore en place pour l’instant (rires). Il est arrivé très fort. Il n’était pas relieur, il était banquier, c’était autre chose. Mais il est venu très vite.
D : Il y a des concours de circonstances qui permettent ça aujourd’hui, avec des vieux partis en difficulté. Moi en plus ce que j’aime dans cette pièce et ce qu’il faut préciser, c’est qu’elle n’est pas politique.
JP : Elle ne prend pas partie d’un côté ou de l’autre.
D : On n’est pas en train de donner une leçon au spectateur, elle parle du système. Et le système politique dans la 5ème république n’a pas beaucoup changé.
Si je vous demandais à chacun qui est Léon Daim ? Pour vous en tant que comédien.
JP : Ce qu’il est, c’est-à-dire un amoureux des ors de la République, des cérémonies, des choses comme ça et un homme sincère là-dessus à mon avis. Et qui tout à coup, en mettant le doigt dedans commence à se dire que ce n’est pas inintéressant d’avoir une petite place graissée en tant que député à l’Assemblée Nationale.
D : Il y a quelque chose que j’aime beaucoup moi, chez ce Léon Daim. Imaginez que demain je vous dise en vous regardant droit dans les yeux : « vous devriez faire du cinéma, vous avez un regard intense, vous avez des traits saillants, vous avez tout »…ça arrive, et l’idée va germer.
JP : Oui c’est la révélation.
D : Et lui se laisse aller. Il se dit « c’est vrai j’aime les cérémonies donc si j’adore les cérémonies peut être que je serai bien dans ce rôle ». Donc il y a tout un concours de circonstances qui font qu’il subit beaucoup, puis à un moment donné, par amour notamment, il va finir dans le haut du panier.
JP : Et puis il avait une vie qui ne le rendait pas heureux, qui n’était pas particulièrement épanouissante, il reliait des livres…mais on le voit au début ça ne l’amuse pas plus que ça.
D : Il a une sœur qui lui pèse sur le dos… (rires)
JP : Voilà. Donc d’un coup c’est l’ouverture vers une autre vie, vers ce qui lui plaît, sa passion. Il en profite et les choses se font.
Jean-Pierre vous interprétez plusieurs personnages sur scène comme tous les autres comédiens de la pièce, excepté Davy. Est-ce difficile pour vous d’enchaîner ces personnages, et vous Davy est-ce difficile de vous retrouver face à Jean-Pierre sous différents traits aussi rapidement ?
D : Alors je vais d’abord répondre parce que moi je le vois courir derrière les coulisses, se changer de costume à une vitesse dingue…c’est Arturo Brachetti le mec! Derrière les panneaux, vous le voyez pas vous, et je dois dire qu’à chaque fois que je me retrouve devant Jean-Pierre (et les autres comme Benjamin par exemple, mais j’ai beaucoup de scènes avec Jean-Pierre), quand il passe de Barbedart, au Ministre de l’Intérieur, à d’autres personnages, on voit vraiment la différence. Il y a une différence dans la voix, dans l’intention, il y a plein de choses qui font que moi je ne me dis pas «mince devant qui je me retrouve?» Non, il y a vraiment des choix qui ont été fait de de sa part, et des autres, qui sont tellement justes et tranchés que pour moi c’est un plaisir. J’ai l’impression de jouer avec 12 acteurs !
JP : C’est une grosse troupe, on est 24 en fait ! (rires)
Donc pour vous c’est sportif ?
JP : Oui c’est sportif ! La contrainte c’est ça, la vitesse. Et encore, j’ai la vidéo qui commence pour moi à un moment par exemple, et qui me permet de finir de nouer ma cravate. Sinon c’était quasiment impossible de pouvoir sortir et revenir en direct. Mais oui, c’est ça, c’est le côté un peu sport du costume à changer etc… Quand on est acteur on est en coulisses et d’un coup on rentre en scène et on est différent! On entre dans une peau immédiatement. Il y a beaucoup de comédiens qui diront «moi je suis acteur toute la journée des que je me lève» mais c’est du pipeau (rires). Le moment c’est quand on est là sur scène, qu’il faut que l’on soit présent dans un personnage ! Et dans cette pièce nous avons la chance de le faire 4 fois de suite, différemment, ou sur des aller-retour… Ca c’est un vrai bonheur.
La mise en scène de Christophe Lidon d’ailleurs est absolument formidable.
JP : C’est la réussite de Christophe je trouve, parce que c’était compliqué. Il y a un côté très cinématographique. On passe d’une scène à une séquence très courte, puis à une autre, ça aurait dû prendre des plombes de changement de décor, de costumes, d’ambiance. Mais il a réussi à les mêler en nous faisant des circulations, téléphone en main par exemple, pour que l’on puisse se passer d’un espace à un autre, d’une séquence à une autre et c’est une belle réussite de sa part. Pour nous c’est agréable.
Quelle a été votre sentiment à la découverte de cette mise en scène ?
JP : On la découvre au moment où l’on travaille le spectacle, donc on se dit « bon, on y va, on essaie des choses », et puis ça fonctionne. Il faut que l’on trouve nos motivations à l’intérieur de ça et finalement tout est clair.
C’est la première fois que vous travaillez ensemble tous les deux ?
JP et D : Oui
Quelle image aviez-vous chacun de l’autre en tant que comédien ?
JP : On s’était déjà vu sur scène. Moi j’apprécie et j’aime beaucoup Davy sur scène comme dans la vie en plus. J’avais donc un vrai plaisir et une envie aussi de partager cela avec lui.
D : Oui je n’avais que des bons a priori avant de venir en répétition.
JP : Nous avons cette chance d’être dans une vraie troupe positive et qui nourrit cette énergie-là dont on a besoin.
C’est une force d’être en troupe à Avignon. Certains viennent seuls.
JP : C’est de plus en plus rare au théâtre d’être en troupe.
D : Surtout ici.
Il y a plus de contraintes.
D : Oui, des contraintes financières, d’espace, de lieu, et c’est rare d’avoir des troupes.
JP : On est plus à l’heure du seul en scène aujourd’hui.
Est-ce un plus ?
JP : C’est un vrai bonheur de pouvoir en effet multiplier les rencontres, de voir des acteurs jouer en face, d’être ensemble, c’est une réelle différence.
Comment gère-on la fatigue sur ce marathon qu’est le festival d’Avignon ? Quand avez vous commencé?
JP : Nous avons commencé le 2 juillet.
D : Oui, puis on a eu 3 jours sans clim’ au début donc ça a été assez difficile.
JP : C’est vrai que l’on a eu un début assez chaotique.
D : Donc effectivement, il faut une bonne hygiène de vie et du repos!
JP : Mais nous avons de la chance, on a du public qui vient depuis le début, ça remplit et c’est un réel plaisir. Parce qu’Avignon peut être très cruel et très difficile pour ça.
Avez-vous déjà un retour de ce public ?
D : Oui nous avons de bons retours, ils sont ravis du moment qu’ils ont passé, ils ont beaucoup ri d’une part et puis il y a un vrai fond, qui est certes évident en ce moment mais qui parle aux gens. Je parlais avec un metteur en scène qui me disait « il y a un vrai discours derrière ce spectacle et c’est intéressant ». Ce n’est pas simplement une comédie ou une satire nous ne sommes pas là pour nous moquer mais il y a du fond.
Ce n’est pas politique ?
JP : C’est politique sans l’être.
D : Le contexte est politique, mais la manière dont il a dépeint ce paysage ce pourrait être une entreprise.
JP : Oui c’est surtout l’humain que l’on voit bien dans les intérêts de chacun, à la façon dont on grenouille, dont on se dépasse, dont on échange les choses. C’est politique, entre guillemets, mais ça s’adresse à tout le monde.
C’est peut-être la politique des relations humaines en général, non?
JP : Exactement.
Si vous croisez quelqu’un dans la rue, comment le convaincre en quelques mots de venir voir cette comédie ?
JP : Venez-nous voir et rigoler avec nous.
D : Venez rire de la politique actuelle on en a bien besoin.
Quels sont vos projets ensuite ? D’abord le repos, les vacances j’imagine.
D : Oui 1 mois de vacances, repos…
JP : …puis retour pour moi en studio [de doublage] et nous reprenons « L’ami du Président » dès fin septembre/début octobre au CADO d’Orléans.
Le début d’une tournée ?
JP : Non pour l’instant on a juste une série là-bas.
D : Et ensuite une tournée en 2025.
J’ai une dernière question, avec laquelle je termine toujours. Vous donnez beaucoup d’interviews, j’aurais aimé savoir quelle est la question que l’on ne pense jamais à vous poser et à laquelle finalement vous auriez bien aimé répondre.
D : Je trouve que l’on ne parle pas beaucoup, ou en tout cas ça m’a été peu posé, de la période de répétition d’un spectacle. On nous demande «combien de temps avez-vous répété?», mais peu de gens s’intéressent finalement à comment on crée le spectacle et comment on le répète. Et c’est vrai que c’est quelque chose que peu de journalistes demandent… Vous voyez le travail fini et tant mieux, vous êtes là pour ça, mais il y a l’énergie, l’implication, tout le travail qui est fait en amont… Oui je dirais ça, que l’on ne parle pas assez du travail créatif.
JP : C’est vrai. Et c’est beaucoup pendant les répétitions qu’un spectacle peut être heureux ou pas ensuite dans sa vie.
Suivant les relations des uns et des autres, l’ambiance ?
JP : Oui ce que met un metteur en scène, ce que mettent les comédiens, le bonheur que l’on a à le faire ou les angoisses que l’on a à travailler sur quelque chose. Le théâtre, c’est vraiment une aventure humaine intense et raccourcie sur le temps de répétition, c’est un mois, un mois et demi. Puis les représentations ensuite qui peuvent durer 3 semaines comme maintenant.
D : Et là nous n’avons pas eu beaucoup de temps, on a eu 16 ou 18 services maximum je crois. De 4 ou 8h.
Quand on voit le spectacle et la mise en scène, ce n’est pas énorme, c’est une performance.
JP : Non ce n’est pas énorme, mais parce que Christophe était aussi sur « Agathe Royale » en même temps, il avait les 2 spectacles, il avait beaucoup à faire. Nous nous sommes vraiment lancés avec le début du Festival.
D : Oui, et on s’est lancé tard dans les répétitions en plus, on a eu peu de résidence, donc vous imaginez un peu le speed dans lequel on était. Mais ça fonctionne et on est heureux.
JP : Oui c’est vrai.
Merci à Davy Sardou et Jean-Pierre Michaël pour ce moment.
Réservez vite pour découvrir cette formidable comédie, portée par une troupe d’acteurs talentueux.
Interview de Karine G.
THEATRE DES GEMEAUX AVIGNON
(10 rue du Vieux Sextier, 84000 Avignon)
Du 3 au 21 juillet 2024 à 17h15 (relâches les 2, 9 et 16 juillet)
Avec Davy SARDOU, Jean-Pierre MICHAEL, Stéphane COTTIN, Muriel
COMBEAU, Benjamin BOYER, Marine MONTAUT et Stéphanie HEDIN
Une pièce de Félicien MARCEAU
Mise en scène et scénographie de Christophe LIDON
Léon Daim adore les ors de la République. Mais qui est cet homme qui se montre partout
où il faut être ? Un influenceur omnipotent ? Un opportuniste calculateur qui aurait
l’oreille de qui vous savez ? Et si tout cela ne tenait qu’à un tout petit détail : une recherche
très personnelle du frisson… Son amour des cérémonies et des défilés va propulser Léon
Daim, auquel Davy Sardou prête son charme et son talent, au centre des rumeurs les
plus folles qui courent dans les coulisses des ministères jusqu’à la Présidence. Flanqué
de son envahissante sœur, saura-t-il jusqu’au bout conserver son mystère et tirer les
marrons du feu ?
Cette valse folle de situations et de personnages, tous issus du premier cercle et… forcément
proches de l’ami du Président, est menée tambour battant par une poignée d’acteurs
survoltés.
Sur le ton de la plus pure comédie, voici une satire moderne et piquante sur les arcanes du
pouvoir, dont l’impertinence titille la fatuité et certaines petitesses des puissants…
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